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Militantisme étudiant et mouvements religieux dans les universités sahéliennes

Militantisme étudiant et mouvements religieux dans les universités Sahéliennes

Leonardo Villalón

Les mouvements étudiants dans les universités représentent un aspect important du dynamisme religieux caractéristique du Sahel contemporain. Les mouvements religieux, principalement musulmans, sont à ce jour centraux dans la vie étudiante de la région. Ils eclipsent les anciens mouvements de gauche des premières décennies post-indépendance ou les associations corporatistes visant à obtenir plus de bénéfices matériels, qui se multipliaient dans les années de programmes d’ajustement structurel. L’essor récent des organisations religieuses dans les universités est à ce jour reconnu comme un important phénomène social dans le Sahel et en Afrique, à tel point que certains observateurs s’inquiètent de voir les universités se transformer en lieux de culte.

L’étude porte sur le Sénégal, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Dans ces pays, l’activisme estudiantin y est très présent. Ces pays sont en évolution constante et rapide en lien avec les tensions et dynamiques religieuses régionales. Ils servent en outre d’indicateurs des tendances sociales émergentes et pourraient avoir un impact à long terme sur l’évolution de la vision du monde de la nouvelle génération d’élites.

Les universités au Sahel sont reconnues historiquement comme des institutions hautement politisées. Au cours des dernières années, les groupes d’obédience religieuse s’y sont multipliés et y jouent des rôles politiques et sociaux centraux. On y observe pourtant d’importantes variations aux conséquences potentiellement importantes en fonction des différents contextes nationaux. Bien qu’ils soient omniprésents dans la région du Sahel, les groupes religieux basés dans les universités sont également très diversifiés en termes d’idéologies et d’orientation. Ils sont souvent en conflit les uns avec les autres. Les conflits et même la violence entre groupes d’étudiants de différentes tendances religieuses sont devenus une caractéristique notable des universités du Sahel. Il est important de noter que si la grande majorité des groupes et des organisations religieuses étudiants se concentrent sur des questions sociales et des activités religieuses, il existe des indications inquiétantes selon lesquelles les organisations étudiantes pourraient entretenir certains des groupes religieux les plus radicalisés du Sahel. À certains égards, les groupes religieux d’étudiants représentent un microcosme de la diversification religieuse qui se produit plus généralement dans les sociétés sahéliennes.

Un complément à la subvention Minerva pour 2017-2018 a permis de constituer une équipe de recherche collaborative comprenant des collègues des six pays afin de poursuivre l’étude de cet enjeu important. Outre Leonardo Villalón (PI) et Benjamin Soares, professeurs à UF, l’équipe comprend Mamadou Bodian, coordinateur de projet, Université Cheikh Anta Diop au Sénégal; Abdoulaye Sounaye. Université Abdou Moumouni de Niamey, Niger; Mamadou Lamine Dembélé, Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako, Mali; Abakar Walar Modou, Université Roi Fayçal de N’Djamena, Tchad; Magloire Somé, Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou, Burkina Faso; et Elemine ould Mohamed Baba, Université de Nouakchott, Mauritanie.

Un premier atelier organisé au Centre de recherche sur l’Afrique de l’Ouest (WARC) à Dakar a réuni toute l’équipe en octobre 2017 pour examiner les contours de ce phénomène dans une perspective comparative. Les 26 et 27 avril 2018, le Sahel Research Group a organisé un symposium et un atelier sur le thème “Foi et politique: l’activisme des étudiants et les mouvements religieux dans les universités sahéliennes”. Les présentations ont offert une analyse approfondie et comparative des mouvements religieux d’étudiants sur les campus des universités nationales des six pays. Le symposium était structuré de manière à mettre en lumière les facteurs qui ont influencé ces changements ainsi que les raisons de la religiosité croissante sur les campus universitaires des pays sahéliens.

Les résultats de recherche feront l’objet d’une publication thématique élargissant notre cadre conceptuel en fonction des expériences des six cas sahéliens.